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La contemplation des oeuvres d'art peut-elle suffire au bonheur d'une personne ?
Ma question s'applique à tous les arts : les arts visuels, la musique, etc.
3 réponses
- thorandthorLv 7il y a 9 ansRéponse favorite
C'est une question très complexe en ce que le terme "bonheur" est très difficile à cerner. On ne sent pas le bonheur de manière aussi concrète que le malheur qui peut tarauder le corps comme l'âme. Le bonheur est souvent illusoire et hélas! terriblement éphémère. La contemplation d'oeuvres d'art peut, il me semble, contribuer à forger du bonheur bien qu'elle ne puisse suffire à le sustenter de manière durable. Pour cela, il faut, me semble-t-il encore, l'amalgamer avec de la créativité. Et il y a une autre composante qui vient compliquer les choses : nous sommes "touchés" différemment par les arts et d'une façon qui ne correspond pas forcément à nos affinités électives--si je puis m'exprimer ainsi. Proust, par exemple, qui avait une érudition immense tant pour la littérature, que pour la peinture, que pour la musique et dont l'oeuvre singulière qu'il a laissée concerne l'écriture, avait une sensibilité toute particulière pour la musique. S'agissant de la musique et de l'inoubliable "petite sonate de Vinteuil" de la Recherche (peut-être une osmose savante de Saint-Saëns, de Debussy et de César Frank) , Proust est arrivé, je crois, à exprimer l'inexprimable. Non pas en termes techniques ou musicaux, mais de manière littéraire et en captant ce qu'il y a de plus fugace, de plus insaisissable dans les sonorités. Ainsi, quelqu'un nous demanderait d'exprimer soit oralement soit par écrit ce que nous avons pensé de tel ou tel concert, par exemple de l'Enchantement du Vendredi Saint de Wagner et de nous en entretenir l'espace de... disons dix pages...on serait bien embarrassé de le faire. Pour Proust, c'était un jeu d'enfant. Mais chez lui, tout était à fleur de peau.
Pour en revenir à ta question, dans le cas de Proust, l'oeuvre d'art, qu'elle soit picturale, littéraire ou musicale (surtout musicale) peut donner --encore faut-il que son récipiendaire ait la sensibilité requise pour se laisser "pénétrer" par telle ou telle oeuvre--des émotions tellement exacerbées qu'elles se manifestent comme de véritables orgasmes. Mais Proust était aussi un immense créateur et connaissait mieux que quiconque l'alchimie des mots. Il arrivait à opérer comme nul autre cette magique transsubstantation entre la "matière" littéraire, la "matière" picturale et la "matière" musicale au point où ces éléments, comme dans une synesthésie baudelairienne, fusionnent pour donner, précisément du bonheur. Rien que du bonheur. Mais bien sûr, cela l'a tué, car pour forger tout ce bonheur-là, il faut ahanner, ahanner, ahanner sans relâche, créer, procréer et puis, comme certains insectes après l'accouplement, mourir exténué.
Mais j'ai le sentiment d'avoir répondu très imparfaitement à ta si lumineuse question.
- Anonymeil y a 9 ans
Les autres je ne sais pas, mais moi oui, tout en n'ayant pas la définition du bonheur!
J'aime ces moments troublants, ou le ressenti d'une oeuvre est plus fort que toutes explications.